Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore;
Ils dorment aux font des tombeaux
Et le soleil se lève encore
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre
Oh !qu'ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n'est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce que l'on nomme l'invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent mais au ciel demeurent
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre coté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme volent encore
René Armand François SULLY-PRUDHOMME
O mer immense
O mer immense, mer aux rumeurs monotones,
Tu berças doucement mes rèves printaniers ;
O mer immense, mer perfide aux mariniers,
Sois clémente aux douleurs sages de mes automnes
Vague qui viens avec des murmures calins
Te coucher sur la dune où pousse l'herbe amère,
Berce, berce mon cœur comme un enfant sa mère,
Fais le reçu d'azur et d'effluves salins
Loin des villes, je veux sur les falaises mornes
Secouer la torpeur de mes obsessions,
-et mes pensers, pareils aux calmes alcyons,
Monteront à travers l'immensité sans bornes
Jean Moréas
Bonne jounée